“ Les programmes scientifiques contre la maladie d’Alzheimer, sélectionnés par l’Agence Nationale pour la Recherche et ayant bénéficié d’une contribution, ont été réunis pour la première fois, mardi 13 juin dernier, sous la présidence du Pr. Joël Ménard. Une trentaine d’équipes françaises ont présenté les résultats des études cliniques et fondamentales qu’elles mènent.

Pour moi cette journée était passionnante à plusieurs titres.

D’abord, cela peut paraître anecdotique, le Pr. Menard m’avait offert de co-présider avec lui la matinée d’ouverture. Au delà des préséances, l’ANR ayant refusé deux années consécutives de s’intéresser à notre démarche novatrice et originale qui heurtait le consensus, c’est pour toute mon équipe une reconnaissance qui s’ajoute au soutien que nous avons obtenu à ma 3eme tentative.

Surtout, le rôle décisif de la protéine Tau dans les démences séniles est enfin reconnu par la communauté scientifique. La place importante de Tau, à la fois pathologique et pathogénique (à la fois anormal et détrimental) a été soulignée dans de nombreuses interventions. Deux ans plus tôt je passais au mieux pour un original soucieux de se distinguer à tout prix de ses chers collègues…. Combien de remarques incrédules quand en janvier 2010 j’avais désigné Tau comme cible principale de nos efforts et annoncé le rôle anti-Tau de la protéine FKBP52…

Parmi les résultats présentés :

–       Des choses intéressantes sur l’oeil : des travaux qui étudient les battements de paupières et la rétine des personnes sujettes à ces démences séniles et font des observations originales.

–       Des travaux commencent à mieux différencier, parmi les démences, celles qui relèvent ou non de la maladie d’Alzheimer.

–       Des études sur des animaux ont également retenu mon attention : souris, rats, mais aussi les 300 singes « primates infra-humains » du CEA….

Les approches sont diverses, imagerie, immunologie, processus inflammatoires, génétique…. L’alimentation, le sommeil….les malades sont suivis dans des études épidémiologiques aussi complètes que possibles pour établir des corrélations.

Je m’interroge toujours, comme médecin qui fait de la science, sur la part des découvertes qui sont faites grâce à l’observation et celles qui supposent au contraire de prendre la distance et le recul du niveau cellulaire et de s’interesser aux mecanismes fondamentaux du vivant. J’aime, pour ma part, ce grand écart entre l’humain le plus concret et la réflexion la plus abstraite.

Bilan de cette journée : la Science progresse, la science française ne mérite nullement l’ignorance, le mépris et la négativité dont elle fait souvent l’objet de la part des élites politiques du pays. Mais la science a besoin de ressources, en hommes et en femmes, dignement rémunérés, et en moyens financiers, publics ou privés. Et on viendra bientôt à bout de ces démences séniles qui assombrissent l’allongement de la vie.”

Professeur Baulieu, MD, PhD