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Tribune du Professeur Baulieu – Les Echos 23.02.2018

Pr. Etienne BAULIEU

LE CERCLE / POINT DE VUE – Détecter en amont les maladies neurodégénératives retarderait la dépendance des personnes âgées et ralentirait les entrées dans les Ehpad. Cela suppose d’investir dans la recherche sur Alzheimer.

La grève des personnels des Ehpad attire l’attention sur ces établissements qui accueillent des personnes âgées en situation de dépendance. Plus des deux tiers d’entre elles souffrent de maladies neurodégénératives, dont la maladie d’Alzheimer est la plus connue.

La crise d’aujourd’hui est analysée en termes économiques. Quel budget supplémentaire faut-il dépenser pour recruter des personnels afin d’alléger la charge de travail de salariés au bord du burn-out ? Ce qui manque, disent ces derniers, c’est du temps pour faire chaque jour la toilette, pour écouter le mal-être d’une personne âgée, pour tenir une main, pour calmer une angoisse, pour informer une famille qui a confié son aïeul. Du temps, donc des recrutements.

Papy-boom

La ministre a réussi à dégager 50 millions d’euros. Somme considérable mais somme dérisoire quand elle est ramenée à l’unité concernée : 66.000 euros par établissement ou moins de 100 euros par personne hébergée. Mais surtout, qui peut espérer que la course entre la spirale des coûts et celle des recettes aboutisse à un plus grand confort des patients et de meilleures conditions de travail des personnels ?

Les personnes qui auront 85 ans dans vingt ans sont connues : elles ont 65 ans aujourd’hui ! La progression des soins médicaux, l’amélioration de la prévention devraient même augmenter l’espérance des gens de 65 ans d’atteindre et de dépasser 85 ans. De plus, la génération du baby-boom est très nombreuse, ce sera donc une population croissante qui dépassera l’âge auquel plus de 20 % des personnes sont aujourd’hui en situation de « démence sénile ».

 Parcours du combattant

Il faut imaginer ce que ces maladies représentent comme malheur pour le malade : perdre ses souvenirs, ne plus reconnaître ses proches, ne plus savoir son adresse, ni plus pouvoir faire seul sa toilette… sont une humiliation, une perte de dignité et d’identité. Et pour une famille, c’est un demi-deuil et la lourde responsabilité d’être un « aidant ».

Au-delà de la douleur affective, il y a les embarras de la vie quotidienne. Trouver une place en Ehpad relève du parcours du combattant et le coût mensuel représente environ le double de la retraite moyenne. Alors les départements ont mis en place une aide spécifique pour soutenir le financement de la dépendance. Cela s’appelle l’aide personnalisée à l’autonomie. Cette APA, destinée à prolonger le maintien à domicile des personnes ou à prendre en charge une partie du coût de leur hébergement, ruine les départements mais ne parvient que partiellement à soulager financièrement les familles.

1 milliard d’euros par an d’économies

La seule solution est de réussir à détecter et à prévenir ces maladies. On le sait aujourd’hui, elles se développent pendant quinze ou vingt ans, période pendant laquelle on pourrait intervenir, bloquer le processus délétère, avant même que les symptômes cognitifs ne soient manifestes. Ceci implique de consacrer des moyens importants à la recherche.

Les maladies neurodégénératives sont négligées et ne font l’objet d’aucun financement public spécifique.

Retarder la dépendance ne serait-ce que d’un an, pour ne serait-ce que 10 % des personnes concernées, représenterait (principalement pour les familles) 1 milliard d’euros par an d’économies. Or les maladies neurodégénératives sont négligées et ne font l’objet d’aucun financement public spécifique.

L’an dernier, l’Agence nationale de la recherche n’a attribué aucun financement à ce titre. Le plan Alzheimer était principalement destiné au suivi des malades. A l’Inserm, mon laboratoire a rempli demande sur demande. Aucune n’a été retenue. Notre recherche est entièrement financée, à travers l’Institut Baulieu, par la philanthropie de généreux donateurs et par le crowdfunding du grand public.

Quand on a la chance d’avoir, ce qui est mon cas, une voie de recherche originale dont rien n’est venu contredire la pertinence ni l’espoir d’efficacité, on devrait être obligé par la puissance publique de s’y consacrer à plein temps pour la conduire à son terme, plutôt que de courir les demandes d’argent. Seuls les financements rythment aujourd’hui l’avancée d’une recherche dont je pense, si ma crédibilité a quelque poids, qu’elle pourrait changer la donne.

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